La photo-identification des cétacés
A quoi sert la photo-identification ?
L'étude des cétacés en mer s'accompagne le plus souvent de photo-identification. Cette méthode de travail consiste à photographier des zones bien précises des animaux observés en mer : nageoires caudales, dorsales, flans... et de répertorier toutes les photographies dans un catalogue.
Chaque individu possède des caractéristiques qui lui sont propres, ainsi on pourra savoir si un même individu a été observé dans plusieurs endroits différents, ou s'il est plutôt inféodé à une zone très limitée. La photo-identification est pour le cétologue l'équivalent du baguage ou du marquage d'animaux sur terre. Elle permet donc de mieux les étudier et de comprendre leur comportement sur une base individuelle. Les catalogues de photo-identification sont pour la plupart mis en commun entre différents programmes de recherche.
Lorsque ce travail est poursuivi pendant une longue période, cela ouvre aux scientifiques des possibilités d'analyses poussées, principalement portées sur la dynamique des populations. En clair, cela peut par exemple permettre d'estimer l'abondance d'une espèce, de montrer la fidélité d'un groupe à une zone donnée, ou encore de mieux connaître son organisation sociale.
Ces analyses sont cruciales, car elles peuvent mener à la mise en place de stratégies de protection plus efficaces et pertinentes. Cela nécessite cependant une grande quantité de données de bonne qualité, et par conséquent de nombreuses années de labeur, ainsi qu'un protocole appliqué avec rigueur et constance.
Méthode
La photo-identification repose sur l'utilisation de certaines caractéristiques physiques propre à chaque individu, comme le sont les empreintes digitales pour l'homme. Certains animaux possèdent en effet des traits particuliers permettant de les reconnaître parmi d'autres individus d'une même espèce.
La première étape est donc de réussir à obtenir des photos des animaux. La plupart de celles utilisées sont prises à partir d'un bateau. Les caractéristiques utilisées pour identifier les individus sont donc toutes observables sur l'animal lorsqu'il est en surface : encoches dans l'aileron, cicatrices ou pigmentation sur le dessus du corps... De plus, certains individus peuvent malheureusement avoir des marques visibles liées à l'activité humaine, comme des cicatrices ou blessures causées par une hélice ou une collision avec un bateau.
Une fois à terre, les photos sont récupérées et sont examinées une à une, afin de déterminer si elles contiennent des détails pouvant être utilisés pour identifier l'individu. Les photos de mauvaise qualité, ou ne contenant rien d'utile, sont laissées de côté.
Après cette phase de tri, il s'agit de décrire précisément chaque individu photographié : nombre, taille et position des cicatrices, forme de l'aileron, encoches, pigmentation, etc. Cette étape de description se reproduit pour chaque photo comportant l'individu. Ces photos minutieusement décrites constitueront un profil de l'animal, et l'ensemble des profils forment un catalogue de Photo-identification.
Par la suite, lorsque de nouvelles photos de cétacés sont prises en mer, elles peuvent être comparées aux photos du catalogue pour tenter de reconnaître des individus précédemment identifiés.
Cybelle Planète possède son propre catalogue de photo-identification, réalisé grâce aux photographies prises lors des expéditions dans le Pélagos, et par les plaisanciers contributeurs de notre programme de sciences participatives, Cybelle Méditerranée.
Espèces étudiées
Nos efforts se concentrent sur les espèces de cétacés les plus communément observées, et celles présentant le plus fréquemment des détails permettant une identification :
- Rorqual commun : son aileron peut avoir une forme particulière ou des encoches reconnaissables. Le côté droit de sa tête comporte également des motifs blancs propres à chaque animal.
- Grand dauphin : comme le rorqual commun, son aileron peut comporter des détails caractéristiques. Il a également souvent des cicatrices visibles sur la peau.
- Dauphin de Risso : il est généralement couvert de cicatrices formant un motif propre à chaque individu, ce qui les rend très reconnaissables entre eux. Les plus vieux dauphins de Risso paraissent même complètement blancs.
- Cachalot : ayant la particularité de largement sortir leur queue lorsqu'ils plongent, celle-ci peut être utilisée pour identifier les individus. En effet, la queue des cachalots comporte souvent des détails caractéristiques (encoches, forme, pigmentation..). Les bosses sur son dos peuvent également constituer un indice pour reconnaître un individu.
- Globicéphale noir : il comporte en général peu de signes distinctifs, ce qui rend les individus difficiles à reconnaître entre eux. Il peut tout de même présenter des cicatrices ou griffures sur son corps ou des encoches sur l'aileron.
Les Baleines à bec de Cuvier, les Petits Rorquals et les Dauphins Communs ne sont pas observées suffisamment souvent dans notre zone d'étude pour pouvoir faire l'objet d'un travail de photo-identification efficace.
Les Dauphins bleus et blancs, pour leur part, sont observés en trop grand nombre et ne présentent pas assez de traits distinctifs pour pouvoir être photo-identifiés facilement.
Résultats
Comme expliqué plus haut, la photo-identification des cétacés est une entreprise de longue haleine, dont les résultats apparaissent généralement au bout de plusieurs années de suivi continu. La patience est de mise. Les informations photographiques, associées aux observations en mer effectuées par le programme Cybelle Méditerranée ont déjà pu contribuer à des études combinant des bases de données issues de plusieurs sources différentes. En particulier, le GIS3M a estimé en 2016 les populations de Cachalots, Globicéphales et de Rorquals communs dans le Nord-Ouest de la Méditerranée, à l'aide de données fournies par différentes structures scientifiques et associatives en méditerranée, dont Cybelle Planète.